Johnston Foster _ Token Omen
18 septembre – 5 décembre 2010
Johnston Foster est né en 1978 à South Boston (EU), il vit et travaille à Richmond (EU).
L’artiste a choisi d’intituler sa deuxième exposition personnelle au cab « Token Omen », soit le présage symbolique.
Chacune des pièces de cette nouvelle exposition évoque à sa manière la perte ou le désastre, thème cher à l’artiste. En effet, on trouve peu de figure humaine chez Johnston Foster car à la manière des fables antiques et des différentes mythologies, elle s’efface de son œuvre au profit d’une allégorie animalière de nos comportements. Ce qui permet ainsi à l’artiste de porter un regard sans complaisance sur notre société de consommation dont les excès se manifestent de plus en plus sur l’évolution de notre environnement.
Car si l’œuvre de Johnston Foster utilise un langage visuel issu de la pop culture et semble à première vue amusante, rassurante et positive, elle traduit surtout les inquiétudes de l’artiste face au monde occidental contemporain et à ses excès. Collectionnant détritus et déchets, l’artiste s’en empare pour les transfigurer à travers ses œuvres.
Mais Johnston Foster ne se contente pas de recycler les matériaux qu’il ramasse, il y puise l’inspiration qui le guide dans son travail. L’on comprend mieux pourquoi Johnston Foster est ainsi considéré comme un des artistes les plus engagés de sa génération. À l’occasion de cette exposition, Johnston Foster réalisera une œuvre in-situ inédite.
Cette exposition est réalisée grâce au soutien de la Ville de Grenoble, de la Régie du Téléphérique, de la Drac Rhône-Alpes, de la Région Rhône-Alpes, du Conseil général de l’Isère et de fonds privés grâce aux mécénats d’entreprises et de particuliers. Nous remercions RARE Gallery. Le cab est membre de DCA, association pour le développement des centres d’art.
Crédit photographie : Laurent Salino et Clément Longin
Autour de l’exposition
JOHNSTON FOSTER : ENTRETIEN
Selon toi, y’a-t-il une différence entre art américain et art européen?
C’est une grande question! Je pense qu’en Europe, être un artiste… C’est être bien plus accepté et soutenu par le public. Il me semble plus facile d’être artiste en Europe, les choix artistiques et créatifs y sont moins conduits par le marché… J’ai l’impression que les artistes y sont plus soutenus et en même temps, ils possèdent aussi une grande liberté artistique… Mais l’état de l’art contemporain en Europe, en Amérique et dans le reste du, monde est si divers qu’il est difficile de comparer. Il n’y a pas de standards de médium, de philosophies ou d’approches… Ce qui rend difficile toute comparaison formelle ou même conceptuelle de ces pratiques contemporaines… Je dirais que l’art européen tend à être un peu moins visuel et plus conceptuel là où l’art américain semble être plus dans le faire, dans la matérialité… On est peut-être plus dans l’objet, le produit aux Etats-Unis….
Ce que tu dis au sujet de la matérialité de l’art américain est intéressant, cela semble effectivement le cas dans ton travail, n’est-ce pas ? Car en premier lieu, tu utilises des matériaux recyclés, et dans un second temps, beaucoup de tes travaux parlent de la consommation. Pourquoi as-tu décider d’utiliser des matériaux recyclés, pourquoi est-ce important pour toi de parler de la consommation?
Je collecte et j’amasse des objets et toutes sortes de matériaux depuis que je suis petit. J’ai toujours été attiré par les objets trouvés et par le fait de transformer ces objets, ces matériaux en de nouvelles choses… Ce type de transformation, d’alchimie m’a toujours fasciné. Cela vient sans doute de mon intérêt pour tout ce qui touche à la survie, à la survivance… Et lorsque l’on n’a pas beaucoup d’argent pour travailler, c’est finalement très simple de se procurer des matériaux de cette manière:
il est très facile d’accéder à tout ce que jettent les gens, il n’y a qu’à regarder autour de soi, tout ce gaspillage… L’opulence du monde occidental a conduit à cette consommation de masse et aux déchets qui en résultent. Nous sommes tous les consommateurs d’une certaine façon, mais c’est surtout les déchets de cette consommation qui m’intéressent. Ce que je trouve intéressant dans cette manière de procéder, c’est que chaque objet que tu utilises possède déjà une histoire et une énergie. Elles me guident souvent dans mon travail en cours, avant même de les intégrer dans mes sculptures. Leur histoire, leur énergie s’en trouvent ensuite amplifiées dans mes oeuvres.
Ton travail est très critique envers la société, mais il est aussi très coloré et joyeux, peux-tu nous expliquer pourquoi?
Je veux que mes sculptures soient critiques et positives en même temps, qu’elles contiennent autant les hauts que les bas d’une situation. S’il y a ainsi beaucoup de violence et de désespoir dans mon travail, c’est que je n’essaye pas de l’enjoliver pour qu’il soit plus facilement perceptible. Je suis juste un grand fan de couleur et j’aime la vibration et l’émotion qu’elle peut procurer. J’espère que la joie et la couleur que l’on perçoit au premier coup d’oeil entraînent ensuite le spectateur à regarder de plus près mes oeuvres et à y découvrir les autres significations qu’elles contiennent et le drame qui peut s’y dérouler.
Il y a finalement peu de figures humaines dans ton travail, pourquoi ?
J’ai travaillé avec dans le passé et ça m’intéresse toujours mais j’ai constaté que la figure humaine la plus importante dans mon travail reste le spectateur, celui qui regarde l’œuvre. Je veux que le travail agisse comme un miroir dans lequel le spectateur se regarde. Souvent, dans mon travail, les animaux prennent la place des hommes, ce sont des métaphores, comme on en trouve dans les mythologies du monde entier et dans les fables, de sorte qu’il y a finalement toujours une présence humaine dans mon travail… Elle est juste travestie.
Peux-tu nous parler des oeuvres qui seront présentées dans l’exposition au cab?
Les œuvres parlent de l’adaptation face à l’évolution possible de nos conditions de vie, et notamment des conséquences liées à cette survie. Ainsi, certaines des créatures présentes dans les sculptures se portent mieux que les autres. L’exposition s’intitule ainsi Token Omen car ces sculptures peuvent être appréhendées comme les signes précurseurs d’un futur proche et de notre adaptation à ce futur, qu’elle soit mystique, scientifique ou social. Nous ne percevons peut-être pas tous les changements qui se produisent en ce moment dans le monde, qu’ils soient politiques, sociaux ou environnementaux mais nous savons déjà que nous en subissons certaines conséquences dans notre vie sans toutefois parvenir à les gérer. Le futur est incertain. Ce qui m’intéresse, c’est cette idée d’évolution, de déplacement des lignes, des sens, que ce déplacement soit physique ou émotionnel. Token évoque toute une imagerie iconique, universelle, qui est un peu une constante dans mon travail, quant Omen se veut plus être une réponse à notre futur possible. Token Omen interroge nos sentiments face à un inconnu perplexe et effrayant.
Tu vas aussi réaliser une œuvre in situ, peux-tu nous indiquer comment tu vas procéder?
Ce type d’approche est toujours exaltant et effrayant à la fois. Je suis toujours très excité par l’idée de réaliser une oeuvre nouvelle et spécifique pour un lieu. Pour le moment, je ne sais pas encore vraiment comment je vais travailler, quels matériaux je vais pouvoir utiliser. Tout cela va être déterminé par ce que je vais trouver sur place. J’ai déjà quelques idées mais ce n’est que lorsque je serai à Grenoble que je saurai ce qui va arriver. Je veux créer quelque chose qui réponde aux autres oeuvres aussi bien qu’au lieu lui-même car le cab est un lieu très présent par son architecture, son histoire… C’est sans doute le lieu le plus fort dans lequel j’ai exposé. Il est tellement dramatique qu’il nécessite une réponse spécifique…
(Re)voir…